C’est dans le livre The Voice of the Earth de Théodore Roszak, paru en 1992, que le terme écopsychologie est apparu pour la première fois. Cependant, la critique de la séparation entre les êtres humains et le reste du Vivant dans les sociétés occidentales était déjà faite par Carl Gustav Jung des années auparavant. Il mentionne notamment l’existence d’un inconscient collectif, une psyché universelle à laquelle tous les êtres humains participeraient mutuellement. Ce concept est ensuite élargi par l’écopsychologie : tous les êtres vivants, et non pas seulement les êtres humains, seraient interdépendants et inséparables. C’est l’idée d’une âme du monde, déjà présente entre autres chez les Grecs et les Latins.
Ce principe met au jour des liens forts et réciproques entre l’humanité et l’environnement. Il fait notamment comprendre que l’état de nos habitats naturels influence nos comportements et notre santé, et que notre santé, elle, influence nos comportements et nos attitudes envers la nature. Il s’agit d’un cercle qui peut être vicieux comme vertueux. Plus nous allons mal, plus nous dégradons ce qui nous entoure, et plus ce qui nous entoure va mal, moins bien nous nous sentons. Cela vaut pour l’individu comme pour la société. Le contraire est vrai aussi : meilleur est notre rapport émotionnel à la nature, plus nous en prenons soin, en meilleure santé elle se trouve et en meilleure santé nous nous trouvons. Il existe une correspondance forte entre les blessures et les processus de guérison que traverse la Terre et celles que traversent les êtres humains.
C’est pourquoi les études de ce courant se focalisent notamment sur les conditions psychologiques qui ont tendance à contribuer ou à résulter de la crise écologique. Une fois identifiées, elles permettent de comprendre quelles manières d’agir ont un impact positif sur la situation actuelle. Par exemple, prendre conscience et créer des liens entre les personnes d’une même communauté ou avec la nature améliore la santé des individus comme de la société. L’écopsychologie propose aussi des modèles de psychologie humaine dans lesquels la terre n’est pas seulement un paysage rempli de ressources à utiliser, mais plutôt une matrice vivante à laquelle nous participons. Une matrice qui permet par exemple de développer notre compréhension de nous-même et notre bien-être. Ainsi, l’écopsychologue Paul Shepard a proposé un modèle de développement psychologique dans lequel se lier à la Terre à la préadolescence est une étape importante pour la croissance en tant qu’individu. Cela permettrait de pouvoir se sentir chez soi sur Terre et de devenir un adulte plus équilibré. Certaines recherches peuvent également aider à déterminer quelles formes d’activisme font agir le public plutôt que de le culpabiliser et de le figer face aux enjeux climatiques actuels.
Évidemment, la crise écologique est un phénomène social et culturel trop complexe pour être réduit uniquement à ses racines psychologiques. Toutefois, approcher le problème sous cet angle permet de proposer des pistes intéressantes pour un futur social, politique, culturel et écologique plus heureux. Peut-être que comme l’écopsychologie l’indique, l’essentiel réside dans la prise de conscience, la création et le maintien de liens à tous les niveaux. Il s’agit de ressentir que nous participons tous à une même toile de vie, à l’âme du monde.
Miriam Gfeller
Sous l’igloo de bois, un peu de fraîcheur. Jeux d’ombres triangulaires qui se découpent entre les planches. Quelques bras végétaux qui s’agrippent, s’incrustent, embrassent la structure depuis le dehors. Empreintes de pieds sur le sol.
Fermer les yeux et entendre les voix d’enfants qui se mélangent à l’odeur des champignons, discussions multilingues qui se tissent au dehors. Se sentir comme dans un ventre. Fibres sous les doigts, battements de mon cœur. Nature intérieure et Nature extérieure.
À travers l’Art
Voyager de quartier en quartier, ouvrir des discussions et broder un tissu
humain et végétal à la fois.
Miriam Gfeller
Miriam Gfeller